Il m’arrive de tomber sur des publicités sur Youtube qui suivent un schéma quasiment identique : un employé d’une grande entreprise découvre que les produits pourraient être de meilleure qualité, que son employeur fait des marges indécentes. Il décide de lancer son propre business et offre bien sûr un magnifique produit pour un prix très raisonnable.
Ces pubs basées sur le "storytelling" (je traduirais par le mot "fable") vantent souvent des produits médiocres, voire qui ne rendent pas du tout le service escompté. Mais il faut bien reconnaître que cette technique de communication génère des ventes...
Rémi Favresse est un communicant. J’ai eu le plaisir de travailler avec lui sur des projets d’entreprises où il était en charge de construire la stratégie de communication. J’ai eu envie de questionner l’aspect éthique dans sa démarche.
Comment gères-tu l’aspect éthique des campagnes de communication que tu mets en place ?
Com’Inn : Je pense qu’au-delà de l’éthique, c’est la question du regard que l’on porte au récepteur du message qui est posée à travers cette technique purement marketing, héritée de la pub.
Derrière le storytelling, je crois déceler l’idée qu’une belle histoire en guise d’emballage permettra à un produit quel qu’il soit de se vendre. "Quel qu’il soit" ? Rarement un bon produit, tu le dis ouvertement et je te donne raison, mais pas que : il y a des gens convaincus (j’en connais) qu’une bonne stratégie marketing passe par le storytelling, la création de "personas", etc.
Alors utilises-tu le story-telling comme levier ?
Com’Inn : Ce n’est pas mon éthique, donc pour répondre à ta question : "est-ce que je l’utilise" ? Non, ou alors seulement si mon client l’exige. Ma conception, c’est qu’un bon produit, un service de qualité se vend de lui-même, sans l’artifice d’une fable ou l’usage d’un pathos. Je dis "de lui-même" mais si Com’Inn existe aujourd’hui, c’est qu’il lui faut quand même un petit coup de pouce.
À chaque fois qu’on me présente un service ou un produit, je laisse la personne qui le propose m’en parler avec ses mots. Ce qui doit transpirer — c’est essentiel — c’est sa conviction propre que son produit/son offre est pertinent.e, c’est à dire
- qu’il/elle répond à un besoin et qu’il est bénéfique,
- qu’il/elle ne porte aucun préjudice.
Pour moi, cette conviction est essentielle parce qu’elle va exsuder dans la campagne de com’ qui suit. Ce que je m’attache à faire dans un premier temps, c’est provoquer des interfaces de rencontre pour que l’auteur.e soit amené.e à présenter son offre : qui mieux que lui peut le faire ? En en parlant avec ses tripes, avec son cœur et avec la confiance qu’il porte vis à vis de son offre, il en sera le meilleur ambassadeur. Ça passe concrètement par organiser des événements, créer des supports en faisant en sorte que les mots utilisés répondent pleinement au message que veut porter l’auteur.e. Puis, faire en sorte que les clients, bénéficiaires ou utilisateurs convaincus de cette offre ou de ce produit, en deviennent à leur tour les ambassadeurs.
Ma conception, c’est qu’un bon produit, un service de qualité se vend de lui-même
Pour résumer, je pense que, sans parler de mensonge éhonté, le storytelling (comme son nom l’indique) a pour premier principe celui d’affabuler, avec tout ce que cela comporte de factice, quand je recherche de mon côté l’authenticité (quitte à faire du coaching pour que la confiance primordiale, si elle n’existe pas, soit acquise à celui ou à celle qui propose le produit).
Pour moi, cela est largement corrélé au regard que l’on porte sur le récepteur final du message. Celui qui affabule pense que le récepteur peut gober son histoire et mordre à l’hameçon. Pour ma part, je pense que le récepteur est capable de distinguer le bon du mauvais produit, et qu’il a seulement besoin de savoir qu’une bonne offre existe. Qu’il a le droit d’avoir accès à quelque chose de bon pour lui, bon pour la planète, etc.
Rémi a fondé l’agence Com’Inn à Angers après avoir eu une carrière dans le journalisme puis comme manager R/H dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. Vous pouvez en savoir plus sur sa manière d’envisager la Com’ en visitant son site : www.com-inn.fr